Imputabilité

L’imputabilité extrinsèque d’un médicament, ou sa notoriété c'est-à-dire si ce médicament ou un autre de la même famille sont connus pour être plus à risque de toxidermies, est un élément important dans les décisions d’arrêt d’un médicament devant un tableau de toxidermie.

Des données régulièrement mise à jour sont nécessaires pour identifier de nouveaux signaux.

Nous développons une approche associant l’analyse des données de pharmaco-vigilance et des études de pharmaco-épidémiologie.

Lyell : quels médicaments imputables ?

La Nécrolyse Épidermique (NE) est une maladie rare et mortelle dont 70 à 90% des cas sont causés par des médicaments.

L’objectif principal de l’étude était de recueillir l’évolution du spectre des médicaments associés aux NE au cours du temps.

Nous avons utilisé VigiBase, la base de pharmacovigilance de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Deux périodes d’intérêt ont été définies : la période 1, de 1997 à 2001, afin de recueillir les médicaments précédemment associés et la période 2, de 2016 à 2020, afin de recueillir les médicaments précédemment associés. Afin d’évaluer les associations entre les différents médicaments et la NE, nous avons utilisé l’Information Component (IC), un indicateur de disproportionnalité, ainsi que l’extrémité inférieure de son intervalle de crédibilité (IC025). Un IC025> 0 est considéré comme significatif.

Un total de 4092 rapports étaient inclus dans la période 1 et 13961 dans la période 2. 47 molécules étaient communes aux deux périodes et 67 étaient associées uniquement pendant la période 2. Parmi les médicaments nouvellement associés, nous avons relevé le zonisamide (IC025 3,9), l’oxcarbazepine (IC025 2,4), le levetiracetam (IC025 2,1), le febuxostat (IC025 1,6). Par ailleurs, 16 (24%) de ces médicaments nouvellement associés étaient des anticancéreux, incluant le mogamulizumab (IC025 3.3), le vemurafenib (IC025 2,4), le cobimetinib (IC025 2,7) ou la bendamustine (IC025 1,6)

Cette étude montre une augmentation du nombre de médicaments associés aux NE, en particulier parmi les anticancéreux.

Étude réalisée dans le cadre d’un Master 2 de Santé publique (Thomas Bettuzzi)

Étude des biais associés au reporting des nécrolyses épidermiques médicamenteuses
dans la base mondiale de pharmacovigilance

De possibles biais des rapports de pharmacovigilance peuvent impacter les associations entre nécrolyse épidermique (NE) et médicaments.

L’objectif principal de l’étude était de recueillir les biais associés aux rapports de NE.

En utilisant VigiBase, la base de pharmacovigilance de l’OMS, et en considérant les médicaments associés aux NE entre 2016 et 2020, nous avons réalisé une classification non supervisée en incluant les caractéristiques des rapports, c'est à dire la qualité du rapporteur, le temps entre la prise du médicament et le début de la NE et un seul médicament suspect dans le rapport.

Parmi 152 médicaments, trois classes ont été identifiées. La classe 1 (n=41) présentait des médicaments avec un délai d’induction souvent plus long que quatre jours, dans 55 +/- 13% des rapports. Elle correspondait aux médicaments bien rapportés et était composés majoritairement d’anti viraux et d’antiépileptiques. La classe 2 (n=42) présentait des médicaments avec un délai d’induction souvent lus court que quatre jours, dans 31 +/-12% des rapports. Elle correspondait aux médicaments à haut risque de biais protopathique et était composées d’Anti-Inflammatoires Non Stéroïdiens (AINS), d’analgésiques et d’antibiotiques. La classe 3 (n=69) présentait des médicaments souvent rapportés avec un délai d’induction indisponible, dans 66 +/- 11% des rapports et fréquemment rapportés par des consommateurs (9+/-9%). Elle correspondait aux médicaments à haut risque de biais de classification, et était composée de traitements anticancéreux et cardiovasculaires.

Les biais protopathiques et de classement impactent les rapports de NE et devraient être considérés en ce qui concerne les associations avec les antibiotiques, les AINS, les analgésiques, les anticancéreux et les traitements cardiovasculaires.

Évitabilité des toxidermies sévères

La proportion d'effets indésirables cutanés graves [Severe Cutaneous Adverse Reactions (SCARs)] pourraient être évités si l'utilisation des médicaments étaient conformes aux bonnes pratiques médicales n'est pas connue.

L’objectif principal de l’étude était de déterminer la prévalence des toxidermies sévères [Syndrome de Stevens-Johnson (SJS), Nécrolyse Épidermique Toxique (NET) et Drug Reaction with Eosinophilia and Systemic Symptoms (DRESS)] évitables en France et décrire les causes de cette évitabilité.

 

 

Nous avons réalisé une étude rétrospective multicentrique de tous les cas validés de DRESS, SJS et NET (registre RegiSCAR France et centre national de référence des toxidermies sévères) au cours de la période 2003-2016. Pour chaque cas, tous les médicaments plausibles suspectés d'induire des SCAR (c'est-à-dire pas seulement le médicament considéré comme "le plus probable") ont été pris en compte en ce qui concerne (i) la prescription pour une indication inappropriée, (ii) la réintroduction du médicament malgré un antécédent connu d’allergie ou (iii) l'automédication avec des médicaments normalement délivrés sur ordonnance.

Au total, 602 cas ont été inclus dans les analyses. Les antibiotiques, les anticonvulsifs et l'allopurinol étaient les médicaments les plus fréquemment impliqués, représentant plus de 50 % de tous les cas. Tous les médicaments suspectés ont été considérés comme ayant été utilisés de manière appropriée pour 417 des 602 personnes incluses dans la population étudiée [69-3%, intervalle de confiance à 95% (IC) 65-6-73-0] et de manière inappropriée pour 144 personnes (23-9%, IC à 95% 20-5-27-3). Ces utilisations inappropriées étaient principalement dues à des prescriptions pour une indication inappropriée (65-8%, IC 95% 58-4-73-2) ou à une réintroduction accidentelle du médicament (20-9%, IC 95% 14-6-27-2). L'allopurinol et le cotrimoxazole étaient les médicaments les plus fréquemment impliqués dans des indications inappropriées. Les antibiotiques constituaient le groupe le plus important impliqué dans les réintroductions accidentelles. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens, disponibles sur ordonnance, étaient le plus souvent impliqués dans l'automédication inappropriée.

1/4 des toxidermies sévères de type DRESS, SJS et NET semble évitable en France. Une large part de ces cas évitables est liée à une prescription médicamenteuse dans une mauvaise indication. L’absence de prise en compte d’un antécédent d’allergie est identifiée comme l’autre principale cause d’évitabilité.

Étude réalisée dans le cadre d’une thèse de doctorat d'épidémiologie (Guillaume Chaby)

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