Épidémiologie

Le syndrome de Stevens-Johnson et le syndrome de Lyell (ou nécrolyse épidermique toxique) ont une incidence de 6 cas/million d’habitants/an en France. Ces toxidermies rares et sévères sont donc heureusement peu fréquentes. Des études épidémiologiques décrivant les données socio-démographiques, les comorbidités au diagnostic des patients atteints de toxidermies graves sont nécessaires.

Les études sur les réactions médicamenteuses croisées ne sont pas souvent disponibles, et pourtant ces données conditionnent la prescription des médicaments. Les séquelles à moyen et long terme sont aussi peu connus. C’est dans ce contexte, que l'équipe EpiDermE a débuté une étude centrée sur les nécrolyses épidermiques à partir des données de l’assurance maladie française.

Description épidémiologique, étiologique et pronostique des nécrolyses épidermiques
à partir des données du SNDS - EpiNE

L'étude EpiNe s’inscrit dans l’appel à projets recherche de la filière FIMARAD aura pour but de conduire une étude épidémiologique nationale à grande échelle des Nécrolyses Épidermiques (NE) médicamenteuses et non médicamenteuses de l’adulte et de l’enfant à partir des données SNDS* de 1997 à 2020 : profil des patients, comorbidités, incidence, mortalité, médicaments en cause, réactions croisées, parcours de soins, prise en charge des séquelles, particularités des NE de l’enfant.

*SNDS : Système National des Données de Santé

Les nécrolyses épidermiques (NE), c'est-à-dire, le syndrome de Stevens-Johnson et le syndrome de Lyell, sont des toxidermies rares, d’une incidence de 6.5 cas/million/an (1). Le pronostic est sévère et la mortalité varie de 14.7 à 29.4% à la phase aiguë (2). Les séquelles physiques et psychologiques sont également majeures.

Dans 85% des cas, l’étiologie est médicamenteuse (2,3). L’identification et le retrait des traitements imputables sont primordiaux, mais les molécules sont souvent multiples (polymédication) et les contre-indications très larges, en raison de possibles réactions croisées.

Bien que plusieurs études cas-témoins européennes aient déjà mis en évidence les principaux médicaments imputables, comme les sulfamides, les antibiotiques ou les antiépileptiques (4,5), les dernières années ont vu l’apparition de nouveaux traitements imputables, comme l’oseltamivir (6) ainsi que des traitements anticancéreux, comme le vemurafenib (7) ou le mogamulizumab (8).

Peu d’études épidémiologiques s’intéressent aux NE, aussi reste-t-il de nombreuses zones d’ombre à éclaircir. En effet, Chaby et al ont montré 33 récidives de toxidermie grave après réexposition accidentelle, mais aucune autre étude ne s’est intéressée aux récidives de NE suite à des réexpositions médicamenteuses (9). Les NE non médicamenteuses et leurs étiologies restent peu connues, alors même qu’elles pourraient récidiver davantage que les NE médicamenteuses. De plus, le poids des comorbidités, notamment l’insuffisance hépato-cellulaire (10) ou les antécédents neurologiques (11) et les facteurs de gravités de la NE, telle qu’une bactériémie ou encore l’épuration extra-rénale (11) ont fait l’objet d’études hétérogènes, sans jamais être rassemblés de manière globale. Enfin, le cas particulier des NE de l’enfant est peu étudié et doit être précisé.

Les objectifs de l’étude EpiNE sont :

  • De caractériser les données sociodémographique, les comorbidités au diagnostic, les séquelles psychologiques et la sévérité des NE (passage en réanimation, décès).
  • De déterminer les étiologies médicamenteuses et non médicamenteuses des NE.
  • De décrire les principaux médicaments en cause, le parcours de soin et les facteurs pronostics.
  • De décrire les réactions médicamenteuses croisées, ainsi que des nouvelles expositions à des molécules d’une même classe thérapeutique, avec ou sans récidive de la nécrolyse.
  • De décrire les NE de l’enfant, leurs différences comparativement à l’adulte, notamment en termes d’étiologie, de pronostic et de taux de récidive.

(1) Incidence of and mortality from epidermal necrolysis (Stevens–Johnson syndrome/toxic epidermal necrolysis) in France during 2003–16: a four‐source capture–recapture estimate
G. Chaby, C. Maldini, C. Haddad, B. Lebrun‐Vignes, F. Hemery, S. Ingen‐Housz‐Oro, S. Gonzalez‐Chiappe, P. Wolkenstein, O. Chosidow, A. Mahr, L. Fardet.
doi.org/10.1111/bjd.18424.

(2) Severe cutaneous adverse reactions to drugs
Tu Anh Duong, Laurence Valeyrie-Allanore, Pierre Wolkenstein, Olivier Chosidow.
doi.org/10.1016/s0140-6736(16)30378-6.

(3) Idiopathic Stevens-Johnson syndrome and toxic epidermal necrolysis: Prevalence and patients’ characteristics
Guillaume Chaby, Saskia Ingen-Housz-Oro, Nicolas De Prost, Pierre Wolkenstein, Olivier Chosidow, Laurence Fardet.
doi.org/10.1016/j.jaad.2018.10.058.

(4) Medication Use and the Risk of Stevens–Johnson Syndrome or Toxic Epidermal Necrolysis
Jean-Claude Roujeau, M.D., Judith P. Kelly, M.S., Luigi Naldi, M.D., Berthold Rzany, M.D., Robert S. Stern, M.D., Theresa Anderson, R.N.,
Ariane Auquier, M.S., Sylvie Bastuji-Garin, M.D., Osvaldo Correia, M.D., Francesco Locati, M.D., Maja Mockenhaupt, M.D., Catherine Paoletti.
doi.org/10.1016/j.jaad.2018.10.058.

(5) Stevens-Johnson syndrome and toxic epidermal necrolysis: assessment of medication risks with emphasis on recently marketed drugs. The EuroSCAR-study
Maja Mockenhaupt, Cecile Viboud, Ariane Dunant, Luigi Naldi, Sima Halevy, Jan Nico Bouwes Bavinck, Alexis Sidoroff, Jürgen Schneck,
Jean-Claude Roujeau, Antoine Flahault.
doi.org/10.1038/sj.jid.5701033.

(6) Oseltamivir induced Stevens-Johnson syndrome/toxic epidermal necrolysis-case report
Wei Zuo , Li-Ping Wen , Jun Li, Dan Mei, Qiang Fu, Bo Zhang.
doi.org/10.1097/md.0000000000015553.

(7) Vemurafenib-induced toxic epidermal necrolysis
M Wantz, I Spanoudi-Kitrimi, A Lasek, D Lebas, J-F Quinchon, P Modiano.
doi.org/10.1016/j.annder.2013.10.054.

(8) Stevens-Johnson Syndrome associated with mogamulizumab treatment of adult T-cell leukemia / lymphoma
Takashi Ishida, Asahi Ito, Fumihiko Sato, Shigeru Kusumoto, Shinsuke Iida, Hiroshi Inagaki, Akimichi Morita,
Shiro Akinaga, Ryuzo Ueda.
doi.org/10.1111/cas.12116.

(9) Severe cutaneous adverse reactions due to inappropriate medication use
G Chaby, L Valeyrie-Allanore, T A Duong, B Lebrun-Vignes, B Milpied, B Sassolas, F Tetart, P Wolkenstein,
O Chosidow, L Fardet.
doi.org/10.1111/bjd.16365.

(10) Individual‐ and hospital‐level factors associated with epidermal necrolysis mortality: a nationwide multilevel study, France, 2012–2016
C. Traikia, C. Hua, L. Le Cleach, N. de Prost, F. Hemery, T. Bettuzzi, O. Chosidow, P. Wolkenstein,
S. Ingen‐Housz‐Oro, E. Sbidian.
doi.org/10.1111/bjd.18294.

(11) Morbidity and Mortality of Stevens-Johnson Syndrome and Toxic Epidermal Necrolysis in United States Adults
Derek Y Hsu , Joaquin Brieva, Nanette B Silverberg, Jonathan I Silverberg.
doi.org/10.1016/j.jid.2016.03.023.

Étude réalisée dans le cadre d’une thèse de doctorat de Santé publique et recherche clinique (Thomas Bettuzzi)

Syndrome de Stevens-Johnson et nécrolyse épidermique toxique idiopathiques :
prévalence et caractéristiques des patients

Le Syndrome de Stevens-Johnson (SJS) et la Nécrolyse Épidermique Toxique (NET) sont considérés comme des réactions cutanées indésirables graves aux médicaments. Cependant, dans certains cas, aucun médicament responsable n'est identifié. Des cas de SJS/TEN "non toxiques" ont été associés à une infection à Mycoplasma pneumoniae ou à des maladies du tissu conjonctif, ou considérés comme idiopathiques. On dispose de très peu de données sur les cas idiopathiques de SJS/TEN.

L’objectif principal de l’étude était d'évaluer la proportion et décrire les caractéristiques des SJS/NET non médicamenteux.

Étude rétrospective de tous les cas hospitalisés pour SJS/NET dans le centre national de référence des toxidermies sévères durant la période 2005-2016.
Parmi les SJS/NET non médicamenteux, les cas étaient considérés comme idiopathiques, s’ils répondaient aux 2 critères suivants :

  • Sérologie et/ou PCR Mycoplasma pneumoniae négative.
  • Tableau clinique et examens para-cliniques non compatibles avec un syndrome de transition connectivité-NET.

Les caractéristiques des patients avec SJS/NET non médicamenteux étaient comparées à celles des patients avec SJS/NET induit par un médicament.

194 cas étaient identifiés, parmi lesquels 4 étaient exclus (1 cas adressé pour séquelle de NET, 1 cas pour absence d’information sur la prise de médicament, 2 cas pour dossier non retrouvé).  Parmi les 189 cas inclus dans l’étude, 17 (9%) n’avaient pris aucun médicament dans le mois précédant la toxidermie. Parmi ces 17 patients, 2 (11.8%) souffraient de SJS/NET secondaires à une infection à Mycoplasme pneumoniae, 3 (17.6%) de syndrome de transition connectivité-NET et 12 (70.6%) de SJS/NET considérés comme  idiopathiques. Par rapport aux cas d’origine médicamenteuse, les SJS/NET non médicamenteux touchaient des patients plus jeunes (31 [interQuartile Range (iQR), 23-43] versus 47 [35-61]) ans, p=0.004), avec un score médian de gravité SCORTEN moins important (0.5 [0-2] versus 1 [1-2], p=0.04) et un pourcentage de surface décollable à J5 plus faible (3% versus 16%, p=0.02).  Aucun paramètre biologique n’était discriminatif.

Les SJS/NET non médicamenteux représentent au moins 10% de l’ensemble des SJS/NET et s’expriment chez des patients plus jeunes et sous la forme d’un tableau moins sévère. La recherche d’éléments biologiques en faveur d’une infection à Mycoplasma pneumoniae ou d’une connectivité sous-jacente doit être systématique chez les patients sans cause médicamenteuse clairement identifiée. Néanmoins, il est peu probable que ces causes soient les principales étiologies des SJS/NET non médicamenteux.

Étude réalisée dans le cadre d’une thèse de doctorat d'épidémiologie (Guillaume Chaby)

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